Synthèse
Voici mes conclusions après quarante années de pratique de l'équitation, recherche sur l'équilibre, réflexions et synthèse sur l'orthopédie de la bouche du cheval. Après avoir fabriqué sur mesure des mors de toutes formes et dimensions. pour des cavaliers de tous les pays, j'ai résolu,grâce à une embouchure adaptée, 50% des problèmes que j'ai analysés . Le mors quoi qu'on en pense est un instrument de force. Il est le seul lien direct que le cavalier ait avec son cheval. C'est pour cette raison que j'ai toujours diminué, rarement augmenté, l'action de force du mors. Le mors, par l'effet des rênes, a une répercussion sur la tige vertébrale. En effet la mâchoire inférieure s'unit au crâne par les deux articulations temporo-maxillaires. Un cheval mal dans sa bouche peut avoir des contractions dans tout le dos par les petits droits de la tête: complexus, grand complexus, trapèzes, extérieurs de la tête, long droit épineux, long dorsal. Tous ces muscles et nerfs correspondent à l'arrière main et comme un cheval donne la bouche avant les hanches, il vaut mieux être juste sur le devant.
Les néophytes pensent que les barres et les commissures des lèvres sont les seules sensibilités de la bouche du cheval. Cela est normal car dans les clubs la pédagogie ne prévoit pas cet enseignement. Mais faudrait-il avoir les connaissances suffisantes pour simplifier la pédagogie. Le général l'Hotte comparait le cheval a une cocotte minute dont les jambes du cavalier seraient le feu et les mains la soupape qui déclenche la mise en avant. Moi je vais faire une comparaison un peu fantaisiste mais très claire pour celui qui va comprendre : le bout du devant, c'est à dire la bouche à une alimentation électrique, le cavalier à l'interrupteur et l'arrière main du cheval à un moteur électrique. Si par le canal des rennes il y a un mauvais branchement sur le devant (mors), l'alimentation sera défectueuse. Si de plus l'interrupteur (cavalier) est défectueux, le courant n'alimentera pas le moteur (arrière main).
Il y a cinq courants de sensibilité dans la bouche du cheval.
Les barres se composent de cartilage et de chair. Certains chevaux sont plus sensibles que d'autres, selon l'épaisseur de celle-ci. contrairement à ce que beaucoup pensent, c'est une des parties de la bouche la moins sensible avec la commisure des lèvres.
Mais en orthopédie je les préserve toujours. Si le cheval a les barres épaisses et peu sensibles, il faut au contraire adapter des mors à gros canons recouverts de caoutchouc ou téflon de 20 à 25 mm de diamètre. Ces deux matériaux ont la particularité d'avoir en premier lieu un contact doux et chaud, en second ils préservent la sensibilité des barres, en troisième ils avantagent la décontraction. Faites une expérience avant de monter à cheval. Trempez votre mors en acier dans de l'eau très chaude pendant quelques minutes. Le comportement de votre cheval vous fera gagner 15 minutes d'échauffement.
Il m'arrive aussi de faire des mors avec des canons recouverts de cuivre. L'inox contient du nickel et du chrome. La réunion de ces matériaux en contact avec la salive dégage de la salinité (électrolyse) et fait décontracter la bouche. On dit que le cheval boit bien son mors. Pour le passage de langue, pas d'âne ou pont, il sera plus ou moins prononcé selon la profondeur du canal lingual sans trop toucher le palais. Ces mors à gros canons peuvent avoir un inconvénient pour les néophytes. Le cheval trouvant un appui confortable sur le devant risque de passer par-dessus la main et tomber sur les épaules. Donc il faut beaucoup de jambes. Prendre et rendre. Il faudra aussi équilibrer le mors en tendant plus ou moins la gourmette pour avoir une action soit sur le palais, soit sur les nerfs mandibulaires de l'auge. Il faut aussi avoir un mors bien ajusté en largeur. S'il n'est pas juste les deux angles du pont basculent d'un côté ou de l'autre et gênent le cheval en risquant de le blesser à la langue. C'est pour cette raison qu'il faut un mors bien poli à cette partie. Il est très important aussi de savoir prendre la dimension exacte de l'intérieur de la bouche par le choix d'un canon adapté. Ne pas confondre la largeur en partant des deux extrémités de la commissure des lèvres et la largeur entre les deux barres. Un cheval peut avoir des lèvres très épaisses et une petite bouche intérieure. La dificulté est de trouver dans le commerce un mors avec des canons un peu longs pour un appui sur les barres correct et un passage de langue ajusté. Il m'arrive de fabriquer des mors avec un passage de langue en avant de l'alignement des branches. Ce mors permet au cheval d'avoir la langue plus libre à l'arrêt. Sa fonction est plus directe, il est réservé aux cavaliers avertis.
L'auge est aussi une partie sensible. Il faut selon les chevaux adapter une gourmette plate ou un étui en caoutchouc pour protéger les nerfs mandibulaires car on risque de provoquer une exostose qui ne se guérit jamais.
Le palais est une partie sensible. Le pont du mors doit être très lisse et bien arrondi côté langue et plat côté palais. La sensibilité de celui-ci peut être sollicité par le réglage de la gourmette et de la muserolle. Si celle-ci est un peu lâche le cheval aura tendance à ouvrir la bouche. Ce n'est pas joli. Mais il vaut mieux un cheval qui boit bien son mors avec une bouche ouverte et qui bavarde, qu'un cheval avec une bouche fermée, froide et muette.
La commissure des lèvres ne dégage que très peu de sensibilité. Elle permet aux jeunes et moins jeunes cavaliers de s'appuyer sur la main sans trop de dégât pour l'ensemble des sensibilités.
La langue : elle est le dernier point sensible à solliciter, car beaucoup de cavaliers n'ont pas de mors adapté à la bouche de leur monture. Si un cheval a le canal lingual plat, comme beaucoup de chevaux actuels, il faut lui laisser la langue libre ; sinon il essaie en permanence de la passer par dessus le pont du mors. Il ne sert à rien de serrer la muserole au maximum, comme je le vois très souvent, ou augmenter la hauteur du passage de langue ce qui risquerait de toucher le palais. Le problème ne serait pas résolu, loin de là.
(Je constate aussi lors de mes visites dans les écuries de dresseur de chevaux Une appréhension à monter à cheval en bride, beaucoup se servent De filets, goyo, mors portugais, pelhan, mais toujours avec la gourmette détendue au maximum. Cela dénote un manque de confiance au contact et une incapacité à suivre le bout du devant, les chevaux Lusitans ou andalou demandent une bonne position de jambe ,un mors Précis avec, une gourmette ajustée, ainsi qu'une main qui pèse le cuir. je ne voie pas souvent main sans jambe et Jambe sans main ,mais souvent une mauvaise haute école avec des chevaux non musclés pour Une gesticulation qui n'a rien à voir avec l'art équestre.)
Ma conclusion : en équitation il faut rechercher la décontraction de la mâchoire dès le début du dressage et non à la fin ( lire F Baucher sur les flexions directes et indirectes). Le cheval n'engagera pas son arrière main tant qu'il n'aura pas cédé sur le devant.
L'équitation doit être une école de modestie, non une façon de paraître. C'est aussi un chemin sans fin qui permet à l'être humain de se remettre en question en permanence, de garder ainsi un esprit d'ouverture jeune. Elle engendre aussi la passion et la connaissance de soi-même. Je suis contre cette citation : "Il n'y a pas de mauvais chevaux mais de mauvais cavaliers". L'être humain parfait n'existe pas, le cheval non plus. Ainsi est faite la nature. J'ai pratiqué l'équitation durant de longues années de ma vie ainsi que le karaté. Je pense qu'il y a de nombreuses similitudes entre ces deux arts : La connaissance de soi-même, la maîtrise, le respect de l'autre, la concentration et l'orientation de la force.
Après ces écrits. j'espère avoir apporté quelques connaissances à tous les cavaliers qui recherchent la perfection et qui parfois sont dans le doute et à ceux qui recherchent le confort du cheval avant tout. Mais sachez que le cheval ne vous a rien demandé. François Baucher disait ; "le cheval, ce noble animal est peut-être celui dont l'homme a le plus abusé, et les moyens dont on s'est servi pour le soumettre trahissent l'ignorance autant que la brutalité.
Par le résultat de mon travail, je peux donner un certain confort au cheval à condition que le problème soit orthopédique. Pour le cavalier je ne peux rien.
Je donne un conseil aux élèves : quand vous prenez des cours, la principale règle envers votre maître est celle-ci : ne dites jamais oui je sais, ou oui mais.
Si vous savez vous n'avez pas besoin de lui, et oui mais vous doutez de son enseignement.
Je remercie mon ami et maître le capitaine Bila de la garde républicaine de m'avoir appris à agir avec justesse et à propos : la légèreté, l'équilibre et la modestie. Je voudrais aussi conseiller à tous les gens qui ont fait référence à mon travail pour essayer de le reproduire à l'identique.
Il est possible que vous fassiez mieux, plus mal, mais il vous sera impossible de faire pareil. Ma façon de penser, de voir, d'analyser, de transmettre mon savoir à mes dix doigts est unique.
La science infuse n'existe pas.
m. h lucarotti
janvier 1995
Depuis 1995 ou j'ai écrit ces quelques mots, suite à un grave accident de cheval qui m'obligea à abandonner ma passion "l'équitation", rien n'a guère changé dans le domaine de l'orthopédie. J'ai toujours été une personne déterminée. Mais en cette année 2007, à soixante et un ans, je tire ma révérence et je hisse le drapeau blanc en haut de ma citadelle "l'espérance". Dans toute ma vie d'artiste j'ai souvent eu à appliquer la règle des trois D (déception, désillusion, difficulté). Un éclair de lucidité a traversé mon esprit : je suis devenu réaliste.
m. h lucarotti
septembre 2007